Etude prospective : Evolution du marché du cuivre et impacts économiques de la décarbonation de sa production

Evolution et prospective du marché du cuivre

Une demande en hausse portée par des transformations structurelles

Métal stratégique par excellence, le cuivre est au cœur des grandes transitions industrielles, numériques et énergétiques actuelles. Sa conductivité exceptionnelle, sa recyclabilité et sa polyvalence en font un matériau indispensable à la fois pour les infrastructures électriques, les technologies numériques, les véhicules électriques et les énergies renouvelables.

La demande annuelle en cuivre s'élève à 25 millions de tonnes (USGS, 2023). Sa croissance devrait se poursuivre, soutenue par trois dynamiques majeures : la croissance démographique couplée à l'élévation des niveaux de vie, notamment dans les pays émergents ; l'essor des technologies numériques (objets connectés, datacenters, IA, automatisation) ; et enfin la transition énergétique, avec le développement des énergies renouvelables, des véhicules électriques et des infrastructures de stockage d'énergie.

Plusieurs études s'intéressent à l'évolution de la demande de cuivre, à l'image des projections à long terme fondées sur le modèle TIAM de l'IFPEN (IFP énergies nouvelles), qui estiment que la demande annuelle pourrait atteindre 86 millions de tonnes en 2050 dans un scénario climatique à +4°C, et jusqu'à 102 millions de tonnes dans un scénario plus ambitieux à +2°C. Le secteur des transports en serait le principal moteur, avec une forte croissance de la flotte mondiale de véhicules électrifiés. Même s'il existe différentes études sur les projections de la demande en cuivre à horizon 2050, quasiment toutes s'accordent sur un minimum d'un doublement de la demande.

Une offre confrontée à de nombreuses contraintes : vers un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande ?

L'offre mondiale de cuivre est soumise à des tensions structurelles croissantes. Un déficit chronique est attendu dès 2025, en raison de l'insuffisance de nouveaux projets miniers et d'une détérioration de la qualité des minerais extraits. La teneur moyenne du minerai extrait par les 15 plus grands producteurs est passée de 1,20 % à 0,72 % de cuivre au cours de la dernière décennie. Cette baisse engendre une hausse significative des coûts : une réduction de 0,1 % de teneur implique une augmentation d'environ 10 % du coût marginal et une intensification similaire des émissions de CO₂.

La transition énergétique accentue la pression sur la production. Pour atteindre la neutralité carbone, la demande mondiale pourrait atteindre 50 millions de tonnes de cuivre par an d'ici 2050, contre 25 millions aujourd'hui. Pour y répondre, il faudrait développer environ 40 nouvelles mines d'ici une dizaine d'années. Or, le rythme des découvertes diminue drastiquement : entre 2003 et 2014, on comptait 75 découvertes majeures, contre seulement 14 au cours des dix années suivantes. En 2005 et 2007, 15 nouvelles mines ont été découvertes chaque année, mais ce chiffre est tombé à trois en 2017, zéro en 2018, une en 2019, trois en 2020 et une en 2021.

En 2024, la production du Pérou a diminué de 1,4 % en octobre et de 5,0 % en novembre. Le Chili, premier producteur mondial, a révisé à la baisse ses prévisions à moyen terme de 14 %, anticipant un pic de production pour 2027. La combinaison de facteurs conjoncturels (reconstitution de stocks en Chine post-Covid, contrats long terme avantageux pour les raffineurs) a temporairement retardé un déséquilibre structurel que nombre d'analystes (AIE, Goldman Sachs, Macquarie) considèrent désormais comme inévitable. L'année 2025 marquerait le début d'une période prolongée de déficit de l'offre. En mai 2024, l'AIE annonçait que, d'ici 2030, les mines existantes et en projet ne pourront fournir que deux tiers du cuivre nécessaire. Plus de 300 dirigeants interrogés par EY (Ernst&Young) ont placé l'épuisement des ressources au quatrième rang de leurs préoccupations, alors que ce sujet n'était même pas mentionné parmi les dix premières préoccupations auparavant.

Le développement d'un projet minier est par ailleurs particulièrement long : le délai moyen entre la phase d'exploration et la production est de 16 ans (source AIE), avec un minimum de 10 ans requis. Ce ralentissement est aggravé par un sous-investissement chronique dans le secteur, en raison de la volatilité des prix, de la hausse des coûts (inflation, taux d'intérêt) et des contraintes environnementales. En juin 2024, Nevada Copper a ainsi dû abandonner son projet faute de financements, illustrant les obstacles croissants auxquels est confrontée l'industrie.

Des tensions sociales compliquent également l'exploitation. Au Chili, la plus grande mine de cuivre du monde, Escondida (qui représente plus de 5 % de la production mondiale), a été paralysée par une grève liée aux revendications salariales. D'autres conflits sociaux sont recensés dans les Andes péruviennes, et au Panama, la plus grande mine du pays a dû suspendre ses activités faute d'une « licence sociale d'opérer ». Le changement climatique constitue un autre facteur critique : selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), 52 % des mines mondiales sont situées dans des zones à fort stress hydrique. Le changement climatique et l'environnement sont également des facteurs importants concernant l'acceptation sociale du secteur minier.

Dans les deux scénarios développés par l'IFPEN, la pression sur les ressources est très forte : 78,3 % à 89,4 % des ressources mondiales identifiées seraient extraites d'ici 2050. Si l'on inclut les ressources non encore découvertes, ces taux tombent respectivement à 47 % et 53,7 %. D'autre part, certains facteurs pourraient atténuer la pression sur la ressource, tels que la substitution par l'aluminium qui est estimée par l'ICA à 20% en 2040 (contre 17% en 2020) ou encore l'usage de la fibre optique pour les télécommunications ou le plastique étant déjà utilisé à la place du cuivre dans les tuyaux d'évacuation, les accessoires de plomberie et les conduites d'eau. Le titane et l'acier sont aussi des alternatives dans les échangeurs de chaleur.

L'Institut de recherche sur le développement durable de Schneider Electric conclut que le secteur des bâtiments présente les possibilités les plus prometteuses de réduction de la demande. Une réduction de 20 % de l'utilisation du cuivre dans les bâtiments pourrait faire baisser la demande annuelle totale de cuivre de 5,4 % d'ici 2050 (T.A. Kwan, 2025).

Décarbonation de la chaîne de valeur de la production du cuivre

Empreinte carbone et stratégie de décarbonation de l'industrie du cuivre

La production de cuivre est responsable d'environ 97 millions de tonnes de CO₂ par an, soit 0,2 % des émissions mondiales. Son intensité carbone moyenne est estimée entre 4,1 et 4,6 tonnes de CO₂ par tonne de cuivre raffiné. Sur ces émissions, 70 % sont liées à l'extraction minière, 23 % à la fusion et l'affinage, et 7 % au transport et traitement final. Des variations existent selon les procédés : la voie pyrométallurgique émet en moyenne 5,3 tCO₂e/t, contre 7,3 tCO₂e/t pour l'hydrométallurgique, bien que les chiffres dépendent aussi fortement de l'intensité carbone de l'électricité utilisée.

Le cuivre recyclé offre un levier important de décarbonation, avec une intensité carbone de 0,2 à 1,9 tCO₂e/t, contre 1,1 à 8,5 tCO₂e/t pour le cuivre primaire. Cependant, son impact reste limité à cause d'une disponibilité restreinte de la ferraille : entre 2000 et 2020, le taux d'intrants recyclés en fin de vie était d'environ 15 %. Selon l'International Copper Association, ce taux pourrait atteindre 23 % d'ici 2050, permettant d'éviter l'émission de 1,25 gigatonne de CO₂, soit l'équivalent du retrait de 500 millions de véhicules thermiques.

La décarbonation complète de la filière nécessite une transformation en profondeur, avec cinq leviers identifiés :

  • Utilisation d'électricité bas carbone
  • L'électrification des équipements miniers (camions, chariots)
  • Le recours à des carburants alternatifs (hydrogène vert, huiles végétales hydrotraitées)
  • Des gains d'efficacité énergétique
  • Le recyclage des matériaux

Aspects économique et coût de la décarbonation du cuivre

Sur le plan économique, les efforts de décarbonation menés par le secteur minier entraînent des conséquences significatives. Bien qu'il n'existe pas encore de chiffrage précis sur les surcoûts induits par la décarbonation, on sait déjà que la transition vers une extraction et un traitement plus sobre en carbone implique des investissements massifs. Cela pourrait entraîner une augmentation des coûts de production, répercutée sur l'aval de la chaîne industrielle.

En Europe, les membres de l'International Copper Association estiment à 5,3 milliards d'euros l'investissement nécessaire pour une trajectoire net zéro, dont 4 milliards pour des solutions de production d'énergie décarbonée (solaire et éolien). En Chine, une étude récente explore les voies de l'efficacité énergétique et de la réduction des émissions, identifiant huit technologies bas carbone applicables à l'industrie chinoise du cuivre. Avec un coût moyen de réduction de 99,2 yuans/tCO₂ (2020). Ces technologies pourraient permettre une réduction totale des émissions allant de 9,134 millions de tonnes d'ici 2035 (-23%), pour un coût global de 900 millions de yuans (environ 107 millions d'euros) à 2,06 milliards de yuans pour une réduction totale de 33,17 % des émissions.

En Allemagne, une étude datant de 2021 explore les aspects économiques de la décarbonisation de la production de cuivre par conversion d'électricité en hydrogène. Selon les paramètres technico-économiques de 2021, le coût direct d'évitement du CO2 s'élève à 201 EUR par tonne de CO2-équivalent pour l'application du Power-to-Hydrogen dans la production de cuivre. Les valeurs attendues pour les systèmes d'électrolyse permettent d'obtenir des coûts de réduction des émissions directes d'environ 91 EUR/t CO2 en 2030 et 80 EUR/t CO2 en 2050.

Conclusion et perspective

La situation actuelle sur le marché mondial du cuivre soulève de nombreuses menaces mais aussi des opportunités pour les entreprises mécaniciennes françaises, en particulier les PME et ETI qui utilisent ce matériau dans la fabrication de composants industriels, d'équipements électromécaniques ou de systèmes de connectique. Le déséquilibre croissant entre l'offre et la demande, combiné aux enjeux de décarbonation du secteur minier, constitue un facteur de tension majeur pour cette filière.

D'un point de vue économique, les entreprises pourraient être confrontées à une pression croissante sur leurs coûts d'approvisionnement. La perspective d'un déficit structurel de l'offre dès 2025, résultant à la fois de la baisse des teneurs des minerais et du ralentissement des investissements miniers, laisse entrevoir une potentiel hausse durable du prix du cuivre. Cette tendance est aggravée par une forte volatilité des marchés, elle-même nourrie par des facteurs géopolitiques (conflits, instabilité dans les pays producteurs), sociaux (grèves, conflits communautaires) et climatiques (stress hydrique). Pour les entreprises mécaniques françaises, qui n'ont pas toujours la capacité de répercuter ces hausses sur leurs clients, cette pression représente une menace directe sur leurs marges.

Le risque de pénurie ou de rationnement constitue un autre enjeu critique. Avec une demande mondiale prévue en forte hausse alors que les capacités de production prévues restent nettement inférieures, les industriels en aval de la chaîne, et notamment ceux qui ne disposent pas d'un pouvoir de négociation fort ou de contrats d'approvisionnement sécurisés, pourraient faire face à des retards de livraison, des ruptures de stock ou à une augmentation significative des coûts via des primes d'accès au matériau. Dans ce contexte, les entreprises de mécanique pourraient se retrouver désavantagées face aux grands donneurs d'ordre des secteurs stratégiques (énergies renouvelables, transport électrique, électronique), vers lesquels les volumes disponibles pourraient être prioritairement dirigés.

Cette compétition accrue pour l'accès au cuivre s'inscrit par ailleurs dans un contexte de concentration du raffinage mondial : la Chine contrôle à elle seule 44 % des capacités de raffinage, et peut donc influencer les flux disponibles sur le marché international. Pour les industriels européens, et français en particulier, cela renforce leur dépendance à des chaînes d'approvisionnement mondialisées et vulnérables.

En parallèle, l'inscription du cuivre sur la liste européenne des matières premières critiques entraîne un durcissement réglementaire. Les entreprises utilisant ce métal sont de plus en plus soumises à des exigences en matière de traçabilité, de taux de recyclage ou de reporting environnemental, qui peuvent générer des coûts supplémentaires ou nécessiter des adaptations organisationnelles.

À plus long terme, les lourds investissements nécessaires pour développer de nouveaux projets miniers risquent également de se répercuter sur les prix d'achat.

Bien qu'il n'existe pas encore de chiffrage précis sur les surcoûts induits, on sait déjà que la transition vers une extraction et un traitement plus sobre en carbone implique des investissements massifs. Cela pourrait entraîner une augmentation des coûts de production, répercutée sur l'aval de la chaîne industrielle. De plus, les sous-investissements actuels, conjugués à un durcissement des contraintes environnementales et sociales, pourraient freiner l'émergence de nouveaux projets miniers, limitant d'autant la croissance de l'offre.

Cependant, ces mutations présentent aussi des leviers d'opportunité. La nécessité de réduire l'empreinte carbone de la production minière stimule l'innovation technologique dans le secteur, avec le développement de procédés d'extraction plus efficaces, automatisés et moins énergivores. L'enjeu autour de l'utilisation et de la préservation de l'eau peut également se révéler être une opportunité de marché pour les entreprises mécaniciennes.

En outre, la montée en puissance du recyclage offre une piste crédible pour atténuer les tensions sur l'offre. Sous la pression des enjeux environnementaux, la récupération et la réutilisation du cuivre sont en forte progression. Pour les entreprises mécaniciennes, cela représente une opportunité de s'engager dans une démarche d'économie circulaire, en travaillant avec des fournisseurs de cuivre secondaire ou en adaptant la conception de leurs produits pour en améliorer la recyclabilité.

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Rafaël Sanchez
Chef de projet - Prospective Industrie
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